M. Éric DE VILLEROCHÉ
De 9h-19h
L'organisme de gestion de la ferme de Moyembrie (OGFM) est une association (loi 1901) ayant pour vocation l'accueil et l'accompagnement des personnes souhaitant se reconstruire et rebâtir un projet de vie après avoir vécu une cassure dans leur vie, à savoir un passage en milieu carcéral pour la plupart d’entre eux.
Participant de la lutte contre l'exclusion, cette structure d'insertion par l'activité économique (IAE), est située en territoire rural (à Coucy le Château Auffrique en Picardie). Rattachée depuis 2009 à Emmaüs France (branche économie solidaire et insertion), elle accueille notamment des personnes placées sous main de justice en fin de peine, quelque soit le motif d'incarcération et la durée de la peine prononcée. Elle porte une attention particulière aux personnes dont les liens avec l'extérieur (familial et social) ont été entièrement rompus. Cet accueil, limité dans le temps, est alors décidé d'un commun accord entre la ferme, les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) et la juridiction d'application des peines compétente (en « placement extérieur  »).
Structure unique en France par son activité d’exploitation agricole biologique et par la prise en charge qu'elle propose (hébergement, travail, accompagnement social), l'association accueille les personnes dans un cadre « familial  », tout en donnant une place importante à la reconstruction personnelle de chacun. Faisant vivre l'entraide et la solidarité, elle vise la responsabilisation de tous vis à vis des autres et du monde extérieur, ainsi que le développement personnel (remobilisation de la personne autour de son projet de vie et de son projet professionnel, restauration de l'estime de soi) et l'autonomie de chacun.
Salariés et bénévoles de l’association accueillent en permanence une trentaine de résidents : une vingtaine est hébergée sur le domaine de la ferme et une dizaine est logée à l'extérieur (en maison-relais ou en appartement, après avoir été hébergée plusieurs mois à le ferme). Tous disposent d'un contrat d'insertion de 20 heures de travail hebdomadaires à la ferme, leur permettant d'exercer une activité économique utile. Chaque résident dispose d'un logement individuel qui lui permet de retrouver une intimité perdue lors du passage en prison. Elle offre la possibilité à chacun de recevoir ses proches « chez soi  », participant ainsi à la reconstruction de liens familiaux et sociaux.
La ferme développe des activités de maraîchage et d'élevage, écoulant sa production (fruits, légumes, viande, Å“ufs, fromages, yaourts) en lien avec 6 associations pour le maintien d'une agriculture paysanne (AMAP), soit 90 paniers hebdomadaires. Elle dispose également d'un atelier polyvalent « bâtiment  », assurant des activités de mécanique et de construction. « A Moyembrie, on utilise ses mains ; des mains intelligentes  » a dit un jour Jacques Pluvinage, le fondateur de la ferme de Moyembrie. Le travail est en effet vécu comme « libérateur  » et émancipateur. Il est au cÅ“ur du projet de l'association, aussi bien pour les salariés que pour les bénévoles ou les personnes de passage à la ferme. Un travail de la terre, « utile et bon pour les Humains  », qui permet de voir de ses propres yeux les fruits de son travail, dont chacun peut être fier, qui fait prendre conscience de la Nature qui nous entoure, de sa richesse et de sa diversité. Un travail qui reveille les sens, dont les contraintes et parfois la dureté font prendre conscience de la nécessité d'une bonne hygiène de vie (alimentaire, sommeil, …) et qui permet une réappropriation de son corps.
Pas de réinsertion et de vie à Moyembrie sans le respect, une notion fondamentale à la ferme : respect de soi, des uns et des autres, des biens et des engagements pris. Mais aussi respect de ceux qui soutiennent la ferme, qui font confiance au travail effectué, de ceux qui l'entourent et de ceux qui un jour en auront besoin.
Moyembrie n'est pas une mini-prison mais un espace où se réapprend la liberté. Un réapprentissage qui passe par un autre élément essentiel : la confiance accordée au quotidien. En prenant conscience de sa propre responsabilité, chacun participe à l’œuvre collective et à sa réalisation personnelle.
Lorsque le temps est venu pour les résidents de penser « l'après Moyembrie  », les membres de l'association accompagnent chacun dans sa recherche d'un travail et d'un logement. Mais « la réinsertion, c'est à nous de la faire  » disait Jean-Philippe. Les salariés et bénévoles sont en effet là pour accompagner et non faire « à la place  ». Les activités et sorties proposées (cinéma, visite de musées, cours de cuisine, …) participent également d'une ouverture au monde extérieur jugée indispensable à cette réinsertion et permet un ré-apprivoisement du regard de l'Autre.
Le développement durable est au cÅ“ur du projet de la ferme de Moyembrie : outre son activité sociale visant à lutter contre toutes les formes d'exclusion et favoriser par conséquent le « vivre ensemble  », la ferme a toujours fait le choix d'une agriculture biologique respectueuse de l'environnement et des Hommes. De plus, la démarche de commercialisation en AMAP permet de favoriser un dialogue social indispensable entre ville et campagne et participe ainsi de la cohésion sociale. La ferme continuera à œuvrer dans le cadre de cette philosophie visant à répondre aux besoins du présent sans corrompre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins.