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CGLPL : un rapport d’activité 2014 entre le marteau et l’enclume

« Comme on se paye de billevesées ! Qu’est-ce que vous nous chantez avec vos droits ? Droits de l’Homme ! Droits du peuple ! Cela est-il assez creux, assez stupide, assez imaginaire, assez vide de sens ! »1. Ces constatations, pour le moins péremptoires, ne furent parfois pas si éloignées de celles qui ont pu accompagner la création, puis l’affirmation, par la loi du 30 octobre 2007, d’un Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté (CGLPL). Pour autant, sept ans après la création de l’institution, force est de constater les limites induites par ce parallèle : ces paroles, lâchées sous le coup de la colère par le marquis de Lantenac lors de son arrestation, demeurent aujourd’hui à l’image de ce personnage de Victor Hugo, c’est-à-dire de papier.

Entretemps, il a fallu certes affirmer la prééminence « d’un droit moins pensé comme force de coercition et de contrôle que comme un droit protecteur contre les empiètements de l’Etat »2. Il a fallu du reste constater qu’« il est des réactions qui ne viennent pas ainsi toutes seules » et prendre conscience « qu’il faut du temps, qu’il va falloir répéter les choses »3. Enfin, il a fallu opposer, aux étonnés qui affirmaient « Monsieur, vous allez au clash, vous ne vous rendez pas compte », l’objection selon laquelle « eh bien, on va aller au clash, qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? »4. Cette approche de Jean-Marie Delarue quant à la parole politique du Contrôleur Général se veut ainsi simple, si ce n’est limpide. De plus, ces formules pourraient, non sans toutefois les minimiser considérablement, résumer à elles seules les dernières observations issues du rapport d’activité 2014, établi par les équipes de l’autorité administrative indépendante5.

Ce septième rapport6, remis au Président de la République le 6 mars dernier, avant d’être présenté aux deux présidents de l’Assemblée Nationale et du Sénat, ainsi qu’aux différents acteurs médiatiques et associatifs, était attendu, et ce pour au moins deux raisons, à la fois structurelle et conjoncturelle. D’une part, et conformément à l’article 2 de la loi originelle du 30 octobre 2007, le mandat du Contrôleur.e Général.e est de six ans non renouvelables. Jean-Marie Delarue ayant été nommé le 13 juin 2008, ce rapport d’activité intervient donc dans le contexte du renouvellement, non seulement du Contrôleur Général lui-même, mais encore de certaines des équipes composant l’institution7 : Adeline Hazan a ainsi été nommée le 17 juillet 2014 en remplacement de son prédécesseur, dont le mandat arrivait à échéance. Mais, d’autre part, ce rapport prend également acte des nouvelles compétences accordées par la loi du 26 mai 2014, laquelle ne renforce pas tant les modalités d’action du Contrôleur que ses compétences, notamment en ce qui concerne l’exécution des mesures d’éloignement prises à l’encontre des personnes étrangères.

D’un point de vue général, ce nouveau rapport reflète un constat maintes fois éculé, et confirme, in fine, que toujours « la justice est le corps d’une transgression possible »8. Les perpétuelles atteintes aux droits fondamentaux que subissent les personnes privées de libertés nécessitent une mise en lumière périodique, à l’image de la rotation régulière des aiguilles, qui reviennent invariablement à leur point de départ. Toutefois, si le précédent rapport avait effectivement été conçu comme un « bilan global du mandat de Jean-Marie Delarue »9, celui-ci résonne davantage comme une annonce générale du mandat d’Adeline Hazan. Cette dernière, définitivement délestée des préoccupations qui gouvernèrent par l’incertitude le CGLPL, et tenant à son absorption par le Défenseur des Droits, peut ainsi envisager librement la « deuxième étape (…), après la phase de création et d’installation »10.

Cette deuxième étape, si elle s’appuie sur des axes de travail annoncés, prend néanmoins en compte le fait que, des termes mêmes de la Contrôleure, le bilan est considérable : d’ailleurs, il « oblige celle qui lui succède, car en la matière, rien n’est jamais acquis »11. Parmi ces axes de travail, notons donc, entre autres, la situation des mineurs dans les lieux privatifs de libertés ou le contrôle des procédures prises à l’encontre des personnes étrangères maintenues en zone d’attente ou retenues en centre de rétention administrative. Relevons également l’approfondissement souhaité des relations avec les différentes cours suprêmes, Conseil constitutionnel et Cour européenne des droits de l’Homme en tête, ainsi que la constitution d’un comité scientifique, composé de personnalités qualifiées.

Pour ces différentes raisons, ce rapport d’activité 2014 demeure à mi-chemin entre deux dynamiques, plus encore qu’entre deux mandats. L’institution se situe en effet entre deux logiques, l’une centrée sur la défense des droits fondamentaux des personnes privées de libertés, l’autre sur la défense des droits fondamentaux de la personne privée de libertés. En ce sens, le CGLPL, reconnu nécessaire par l’ensemble des principaux acteurs du champ carcéral, tout comme par le législateur et par les personnes privées de libertés, peine pourtant à faire entendre sa voix dans un cadre d’action récemment consolidé (1°). Il n’en demeure pas moins pleinement conscient des difficultés, notamment juridiques, qui émaillent la protection effective des personnes privées de libertés : à ce titre, l’autorité réaffirme, encore une fois, l’indispensable prise en compte de l’individualité de la personne privée de liberté, entendue comme vecteur complémentaire de l’effectivité des droits fondamentaux (2°).

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Marc Duranton*, « Contrôleur général des lieux de privation de liberté : Un rapport d’activité 2014 entre le marteau et l’enclume », in Revue des droits de l’homme./ADL, 26 mai 2015 (Lien : https://revdh.revues.org/1098).

*Diplômé du Master 2 "Droits de l’homme" (Université Paris Ouest Nanterre La Défense)

- Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté, Rapport d’activité 2014, 18 mars 2015, 315 p. – Dossier de presse

>> https://revdh.revues.org/1098
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