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La peine de contrainte pénale s’installe lentement en France

La contrainte pénale, cette nouvelle peine purgée en dehors de la prison – pour les délits, jamais pour les crimes –, progresse doucement : 610 contraintes pénales avaient été prononcées au 1er mai depuis le 1er octobre 2014, date de la mise en application de la mesure, dans 100 tribunaux (sur 164). Soit moins d’une centaine par mois. C’est peu, au regard de l’étude d’impact de la loi du 15 août 2014, qui tablait sur 8 000 à 20 000 mesures annuelles – à ce rythme, les contraintes pénales ne devraient pas dépasser de beaucoup le millier en octobre 2015, et sont bien loin de vider les prisons comme le craignait l’opposition.

La chancellerie ne s’en inquiète pas. D’abord parce qu’il faut le temps que les magistrats s’approprient cette nouvelle peine, très proche, et peut-être trop proche, du vieux sursis mise à l’épreuve (SME), créé en 1958. Ensuite parce que la contrainte pénale exige, à la différence du SME, un suivi intense des condamnés, et que les premiers renforts en conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation ne sont pas encore formés – 362 stagiaires devraient arriver en juridiction en septembre. Enfin le travail d’intérêt général (TIG), si commun aujourd’hui, avait eu lui aussi un peu de peine à s’installer.

Le TIG consiste pour un condamné à travailler pour une association ou une collectivité territoriale sans rémunération ; il est prononcé à titre de peine principale, alternative à l’emprisonnement, ou en complément d’une peine avec sursis, pour 20 heures au moins et 210 heures au plus pour les délits. Robert Badinter a créé la mesure en 1983, 944 TIG ont été ordonnés dans les sept premiers mois de 1984 – contre 610 contraintes pénales pour une période comparable. En 1984, 2 700 TIG étaient exécutés, 6 700 en 1985, 17 000 en 2013.

Pour l’heure, 85 % des contraintes pénales ont été prononcées lors d’un jugement devant un tribunal correctionnel, surtout après une convocation, sur ordre d’un magistrat, par un officier de police judiciaire (49 %), soit après une comparution immédiate (24 %), soit après un plaider-coupable, une négociation avec le parquet avec l’accord de la personne condamnée (15 %). Il était prévu à l’origine une « césure » du procès pénal : le tribunal tranche d’abord sur la culpabilité, puis après un examen poussé de la personnalité, du profil, du milieu du condamné par un conseiller d’insertion, fixe lors d’une seconde audience la peine. Procédure lourde, qui pour l’heure ne semble pas avoir été utilisée.

Un tiers des contraintes relève d’atteintes à la personne – la plupart du temps des violences –, un autre tiers du contentieux routier, le reste s’éparpille sur les atteintes aux biens (19 %), les vols surtout, ou les infractions aux stupéfiants (7 %). La durée de ces contraintes pénales, cinq ans au maximum, est la plupart du temps de deux ans (47 %), voire de trois (23 %). Le condamné qui ne respecte pas les contraintes de cette nouvelle peine risque la prison. Au bout de quatre mois, le juge d’application des peines évalue les résultats du suivi, en cas d’échec le condamné peut être incarcéré, pour une durée fixée par le tribunal : d’un à trois mois pour 26 % des condamnés pour contrainte pénale, de quatre à six mois pour 48 % d’entre-eux, de sept mois à un an pour 21 %. La peine est récente, il est trop tôt pour évaluer le nombre de rechutes.

L’autre mesure emblématique de la loi du 15 août 2014 est la libération sous contrainte : le juge d’application des peines a désormais l’obligation d’examiner la situation d’un condamné aux deux tiers de la peine, et peut, s’il le juge utile, le remettre en liberté sous contrôle : le taux de récidive est en effet moindre lorsque la fin de la peine d’emprisonnement est aménagée. Le nombre de libertés sous contrainte, applicable depuis janvier, est très modeste : si au 1er mai, 13 647 condamnés bénéficiaient d’un aménagement de peine (22 % des condamnés), 474 seulement (3,5 %) étaient libérés dans le cadre d’une libération sous contrainte, en grande majorité sous bracelet électronique, mais aussi, et c’est nouveau, en semi-liberté, où il s’agit, avec des horaires stricts, de rentrer le soir en détention.

13 647 aménagements de peine

66 967 personnes étaient détenues au 1er mai (contre 68 643 au 1er mai 2014, l’un des niveaux le plus hauts depuis la Libération), 11 741 étaient écrouées mais non détenus (placées sous bracelet électronique ou à l’extérieur), soit 78 708 personnes sous écrou.

L’administration pénitentiaire comptait au 1er mai 57 826 places opérationnelles. 7 établissements ou quartiers ont une densité supérieure à 200 %, 31 entre 150 % et 200 %. 1 090 détenus vivaient au 1er avril sur des matelas par terre.

13 647 condamnés bénéficiaient au 1er mai d’un aménagement de peine, dont moins de 500 dans le cadre d’une libération sous contrainte.

Près de 172 000 autres personnes sont suivies en milieu ouvert, l’administration pénitentiaire a donc la charge de 249 298 personnes. Les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP) sont 4 538, les surveillants 26 734.

Franck Johannès

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