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Les détenus à Fresnes avaient bon espoir de...

Les détenus à Fresnes avaient bon espoir de pouvoir bientôt serrer leurs proches dans leurs bras au parloir. Le tribunal administratif de Melun avait enjoint, le 19 janvier, le ministère de la justice à supprimer dans les cinq mois les murets, hauts de 80 centimètres et surmontés d’une tablette de 25 centimètres de large, qui séparent les prisonniers de leurs visiteurs et empêchent leurs étreintes.

Le tribunal se fondait sur le code de procédure pénale, qui dispose que « les visites se déroulent dans un parloir ne comportant pas de dispositif de séparation », et sur la loi du 24 novembre 2009 garantissant au détenu le « respect de sa dignité et de ses droits ». Mais la chancellerie s’est pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat, le 5 février.

Avec quels arguments ? D’abord, le ministère de la justice assure que « les installations de séparation qui étaient présentes dans les parloirs », de type hygiaphone ou grillage fin, « ont déjà été retirées, seuls les murets qui en constituaient le socle sont restés en place ». Or, si un muret « diminue la possibilité de contact physique, cela ne le rend toutefois pas impossible ».

L’Observatoire international des prisons (OIP), qui est à l’origine de la procédure et a révélé le pourvoi en cassation le 18 février, réplique que la destruction des séparations – rendue obligatoire par une circulaire dès 1983 – visait précisément à rendre les étreintes toujours possibles. « Aujourd’hui, dans la plupart des prisons, cela a été fait, explique Sarah Dindo, une des responsables de l’OIP France. Mais pas dans quatre ou cinq, trente ans après. » Pourtant, « certains de ces établissements ont été construits après la circulaire de 1983 », précise l’OIP, notamment les établissements de Toulouse-Seysses (2003) et Lille-Sequedin (2005).

Respecter la dignité des détenus

La chancellerie ajoute qu’aucune poursuite disciplinaire n’est engagée en cas de franchissement du muret par les détenus ou leurs visiteurs. « C’est heureux », ironise l’OIP, mais à Fresnes « les surveillants l’interdisent », assure Mme Dindo. Détenus et visiteurs n’ont ainsi pas même le loisir de se serrer dans une surface réduite à 0,6 m2.

La chancellerie avance enfin des « contraintes budgétaires et architecturales » : les travaux, qui coûteraient 250 000 euros, seraient rendus très délicats par un « foncier contraint et ancien » et compliqueraient l’usage des installations. Dans une lettre adressée début janvier au député écologiste Sergio Coronado, qui l’avait sollicité après une visite de la prison, le directeur avait plaidé que « la dotation du centre pénitentiaire ne [permet] pas d’assumer » la destruction des murets.

« L’argument ne tiendrait pas devant la Cour européenne des droits de l’homme, répond l’OIP, la Cour imposant aux Etats membres d’organiser leur “système pénitentiaire de telle sorte que la dignité des détenus soit respectée”, et ce quels que soient les obstacles matériels ou financiers. »

Sur ces bases, l’OIP a fait part de son « étonnement » quant au pourvoi en cassation. « Si la décision du tribunal administratif était cassée, ce serait une absurdité juridique totale », estime Mme Dindo, qui appelle le ministère de la justice à « faire appliquer la loi ». La chancellerie n’avait pas répondu, vendredi 20 février après-midi, aux sollicitations du Monde.

Julien Lemaignen
Journaliste au Monde

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