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Les détenus sont-ils des salariés comme les autres ?

Décryptage Le Conseil constitutionnel répondra le 14 juin à cette question posée par deux détenus. Ceux qui travaillent en prison ne sont actuellement pas soumis au droit du travail qui s’applique aux salariés.

Doit-on modifier le statut qui régit le travail en prison ? Le Conseil constitutionnel se prononcera à ce sujet le 14 juin. Les sages de la rue Montpensier ont auditionné ce mardi matin les partisans d’un régime dérogatoire pour le travail en prison et ceux dénonçant une « zone de non-droit indigne d’une démocratie ».

La disposition critiquée est l’article 717-3 du Code de procédure pénale selon lequel « le travail des personnes incarcérées ne fait pas l’objet d’un contrat de travail ». Environ 30% des détenus travaillent (selon le rapport 2011 du contrôleur général des lieux de privation de liberté) et ils ne sont pas soumis aux règles encadrant le travail salarié. Ils ne touchent pas le smic, n’ont pas de congés payés ni d’indemnités maladie ou licenciement. Les prisonniers ne sont pas licenciés ou embauchés mais classés et déclassés. C’est ainsi que deux détenus de Metz ont travaillé pendant deux ans pour Sodexho justice service, en étant payés 3,13 euros de l’heure. Ils sont à l’origine de cette question prioritaire de constitutionnalité (QPC), que peut déposer tout citoyen qui estime que ses libertés fondamentales sont bafouées. « On ne voit pas bien pourquoi le travail en prison vaut moins que celui effectué à l’extérieur », s’interroge Me Spinosi, l’avocat de l’Observatoire International des Prisons (OIP).
Des droits déjà existants ?

C’est une « atteinte au principe de l’égalité », expliquent les avocats des deux détenus messins. Selon eux, l’absence de lien juridique entre employeurs et employés-détenus heurterait les droits fondamentaux garantis par la Constitution qui stipule que « nul ne peut être lésé dans son travail ou son emploi en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances ». D’où le dépôt de cette QPC. Pour Me Pinet, avocat de Sodexho justice services, « l’absence de contrat de travail ne signifie pas l’absence de droit ». Il en veut pour preuve l’existence d’un « acte d’engagement » signé entre le détenu et le chef d’établissement. Pour lui, « l’exigence de sécurité » justifie le fait que le travail en détention ne peut pas être organisé de la même manière qu’à l’extérieur.

C’est précisément cette vision du détenu qui pose problème à Me Spinosi. Selon lui, l’administration met en avant la dangerosité en détention pour justifier le maintien du travail dans une « zone de non-droit ». L’administration peut ainsi continuer à utiliser le travail comme un moyen de pression. Une situation d’autant plus critique que travailler est souvent vu comme une preuve de leur bonne volonté de se réinsérer. « En prison l’obtention d’un travail ne dépend d’aucun critère précis. Seuls les détenus que l’administration veut bien faire travailler peuvent travailler. Leurs critères de compétences sont bien peu de choses comparés aux faveurs du directeur, dénonce Me Spinosi. On voit bien que le lien de dépendance caractéristique de la relation employeur/employé est plus fort en prison ». Il faut donc remédier d’urgence à cette absence d’encadrement, selon lui. Quant à l’argument économique, il a été rejeté. Faire croire que des contraintes supplémentaires décourageraient les entreprises est une illusion, pour Me Xavier Iochum, l’un des avocats au barreau de Metz auditionnés ce mardi : « Du temps de l’esclavage aussi, on trouvait des arguments économiques ».

Par TIPHAINE LE LIBOUX

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