Peines de prison : "Il n’y aura pas d’amnistie", affirme Delphine Batho

Pour réduire la surpopulation carcérale, le contrôleur des lieux de privation de liberté prône l'amnistie des peines légères. afp.com/Bertrand Guay La ministre déléguée à la justice estime que ce serait un "très mauvais signal". Elle réagissait à la proposition du contrôleur des lieux de privation de liberté, Jean-Marie Delarue, qui prône l'amnistie des peines légères prononcées avant 2012. Y aura-t-il une amnistie ? Le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGPL), Jean-Marie Delarue, plaide ce mercredi, dans un avis publié au journal officiel pour une loi d'amnistie des peines "très légères" prononcées avant 2012 et non exécutées. Cette propositon aurait pour but de ne pas aggraver la surpopulation carcérale qui atteint, à ses yeux, un niveau inquiétant. Mais cette proposition ne convainc pas la ministre de la Justice, Christiane Taubira. Elle a exclu ce mercredi toute amnistie pour régler la question de la surpopulation carcérale et plaidé pour une "politique pénale claire". "Mais il est certain que ces dix dernières années, les politiques pénales, les politiques pénitentiaires, qui ont été systématiquement des politiques répressives, ont aggravé la surpopulation carcérale", a-t-elle concédé. "Comment on résout cela ? On peut le résoudre de façon très, très immédiate, urgente et mécanique. On doit à mon avis le résoudre par une politique pénale claire qui dit très clairement quelle est la place de la prison, qui revienne sur une gradation des peines qui ait du sens, qui travaille sérieusement à l'aménagement des peines, qui travaille aussi très, très sérieusement à l'insertion et à la probation", a poursuivi la garde des Sceaux. Une position également soutenue par Delphine Batho, ministre déléguée à la justice. "La solution n'est pas d'aller vers des amnisties automatiques, ce n'est pas la bonne solution", a-t-elle déclaré sur Europe 1. La ministre déléguée, chargée notamment de l'exécution des peines, a estimé qu'une telle décision serait "un très mauvais signal dans la lutte contre la délinquance". Elle a rappelé que François Hollande s'était exprimé lors de la campagne présidentielle contre une loi d'amnistie, qu'il s'agisse des délits routiers ou des peines de prison. Une surpopulation carcérale de 117,3% Après une tendance à la baisse dans les années 2009-2010, le nombre de détenus a battu ces derniers mois plusieurs records historiques pour atteindre 67 073 au 1er mai, soit une surpopulation carcérale de 117,3%. "La croissance de ces derniers mois inquiète", note le CGPL dans son avis. Mettre en prison des condamnés, même pour une brève durée, avec une ou plusieurs années de retard, "a pour résultat de ruiner l'insertion de ceux qui, postérieurement au jugement, avaient repris vie professionnelle et relations sociales", note Jean-Marie Delarue. Le CGPL déplore des incarcérations inutiles Dans une interview au quotidien 20 minutes ce mercredi, il précise que sa proposition d'amnistie concerne "les peines de moins de six mois de prison et celles qui ont été prononcées il y a plus de deux ans". "Cela permettra de remettre les compteurs à zéro", ajoute le CGPL. La résorption du stock de milliers de peines de prison en attente était l'une des consignes du gouvernement précédent et a contribué à la hausse récente du nombre de personnes incarcérées. "Le nouveau gouvernement a le pouvoir de remettre les cartes sur la table", explique Delarue dans le quotidien, rappelant que l'opposition de gauche avait voté contre la loi sur l'exécution des peines adoptée peu de temps avant l'élection présidentielle. Le CGPL identifie d'autres causes de cette évolution : une politique sécuritaire qui "amène en détention des personnes, éventuellement plus nombreuses, que l'on n'y mettait point" auparavant, comme les auteurs d'infraction routière ; des procédures de jugement "plus rapides", avec des juges "plus sévères" ; le développement des "peines planchers". Mais l'augmentation de la population carcérale ne résulte pas d'une hausse de la délinquance, affirme-t-il. L'UMP s'inquiète de ces propositions Il plaide aussi pour une réflexion de fond sur l'efficacité de la prison au regard de l'infraction commise, sur le recours à la détention provisoire, en souhaitant que les magistrats puissent consacrer davantage de temps au traitement des affaires "banales", "dans lesquelles sont pourtant en jeu des avenirs décisifs" et à la réalité de la prison. Promiscuité, accès moins aisé au travail, aux activités, au téléphone, aux parloirs, à la prise en charge par le personnel pénitentiaire, une prison surpeuplée devient "une caricature d'elle-même" qui facilite, à son corps défendant, la récidive, regrette Jean-Marie Delarue dans son avis. Dans un communiqué, Bruno Beschizza, secrétaire national de l'UMP en charge des questions de sécurité, a redouté que l'avis du CGPL n'annonce "un projet de loi caché", signe de la "politique pénale laxiste d'une gauche permissive" : "Le gouvernement Ayrault prépare-t-il en secret une amnistie des courtes peines ?" "Soit le gouvernement souhaite lancer un signal à un électorat, soit le gouvernement a un projet de loi caché qui amnistie les courtes peines", a-t-il jugé.







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