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Prison à vie, la peine perdure

Pour la Cour européenne des droits de l’homme, la perpétuité n’est pas un « traitement inhumain ».

On a donc bien le droit d’enfermer des gens à vie. Jeudi, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) n’a pas suivi le tueur Pierre Bodein, surnommé « Pierrot le fou ». Il plaidait que la perpétuité incompressible, instaurée en France il y a vingt ans par Pierre Méhaignerie, le ministre de la Justice d’Edouard Balladur, était contraire à la dignité humaine.

Sûreté. La cour a estimé au contraire que la perpétuité n’est pas un « traitement inhumain ou dégradant » à partir du moment où il existe un espoir, même faible, de pouvoir sortir un jour de prison. Or, contrairement aux apparences, la « perpétuité incompressible » française prévoit une infime chance de sortir un jour. Les articles 221-3 et 221-4 du code pénal indiquent que, pour certains crimes (meurtre d’un mineur de moins de 15 ans accompagné d’un viol ou de tortures, notamment), la période de sûreté peut monter jusqu’à trente ans, voire être illimitée. C’est ce qu’on appelle la perpétuité incompressible. Toutefois après trente ans, le détenu peut demander le réexamen de son dossier et un relèvement de sa période de sûreté incompressible. Ce qui lui permet alors, dans un second temps, de demander un aménagement de peine ou une libération conditionnelle. L’existence de ce maigre espoir permet à la France de ne pas être condamnée par la cour, contrairement au Royaume-Uni, épinglé en juillet 2013 : la loi britannique ne prévoyait aucun moyen de sortir de prison pour un condamné à la perpétuité. La CEDH avait alors rappelé qu’un détenu à perpétuité devait garder un espoir de sortie, encadré par des « modalités concrètes ».

En France, quelles sont ces modalités ? Après trente ans, un juge d’application des peines peut désigner trois experts qui donnent un avis sur la dangerosité du « perpet ». Puis c’est à une seconde commission, cinq magistrats de la Cour de cassation cette fois, de décider de lever ou non le caractère « incompressible » de la sanction.

Sanction. Théoriquement, donc, il y a bien un espoir de retrouver la liberté. Dans les faits, on peut se demander de quel espoir on parle. Pierre Bodein pourra ainsi demander le relèvement de sa peine incompressible en 2034. Il aura 87 ans. Loin des arguties juridiques, la perpétuité incompressible est donc bien une sanction d’élimination sociale, un « substitut à la peine de mort », comme le dit le magistrat Denis Salas.

« Contrairement à ce qu’on entend souvent, la perpétuité existe : les jurés doivent bien se rendre compte du poids de leur décision… Simplement, au bout de trente ans, le condamné a le droit de demander à sortir », expliquait l’avocate pénaliste Laure Heinich à Libération il y a un an. C’était au lendemain de la condamnation à la perpétuité incompressible de Nicolas Blondiau, accusé du viol et du meurtre d’Océane, 8 ans (l’homme a fait appel). Un tel verdict est rarissime. Il n’a été prononcé que quatre fois, notamment contre l’« Ogre des Ardennes », Michel Fourniret.

Sonya FAURE

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