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Rats, cafards, punaises... Surveillant de prison à Fresnes, je travaille dans un taudis

LE PLUS. Le centre pénitentiaire de Fresnes est le deuxième plus grand de France, mais aussi l’un des plus sales. Rats, punaises de lits, cafards… Les conditions d’hygiène sont catastrophiques, selon des témoignages recueillis au sein de l’établissement. L’Observatoire international des prisons (OIP) vient de saisir en référé le tribunal administratif de Melun. Cédric Boyer, responsable FO à la prison de Fresnes, avait déjà alerté la direction.

Par Cédric Boyer
Surveillant pénitentiaire à Fresne

Je suis surveillant de prison au sein du centre pénitentiaire de Fresnes depuis 2010. Jamais, je n’avais travaillé au sein d’un établissement aussi insalubre et vétuste. Avant, j’étais affecté à la prison Lyon - Corbas et je n’y ai jamais croisé un seul rat. Ici, c’est l’invasion.

En juillet dernier, j’avais adressé une lettre ouverte au Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Je n’ai obtenu aucune réponse.

Autant de rats que de détenus

La prison de Fresnes a été construite en 1898. Il y a bien eu quelques travaux réalisés au cours du siècle passé, mais il s’agissait surtout de consolider l’édifice. En revanche, rien n’a été fait pour améliorer les conditions d’incarcération. Aujourd’hui, il est donc peu surprenant de constater à quel point cet établissement est un taudis.

Quand il pleut, il est certain qu’il y aura des fuites un peu partout. L’électricité n’est absolument pas aux normes. Les plombs sautent régulièrement.

Mais le pire, c’est bien la prolifération des nuisibles. Les rats sont aussi nombreux, voire plus, que le nombre de détenus incarcérés.

On entend les rats grouiller au-dessus de nos têtes

La situation s’est détériorée en 2011. Avant, nous distribuions la nourriture à la louche. Aujourd’hui, il s’agit de barquettes individuelles. Le problème, c’est que certains détenus font un trou au niveau du grillage – appelé caillebotis – de leurs fenêtres de cellules et se débarrassent de leurs restes en les jetant par la fenêtre. Les déchets atterrissent dans la cour ou des endroits inaccessibles, ce qui attire considérablement les nuisibles.

Il ne se passe pas un jour sans que nous croisions des rats. Dans les coursives, quand on fait notre ronde à l’extérieur, nous marchons sur leurs excréments, parfois même sur les rongeurs eux-mêmes. Ils sont peut-être moins nombreux en journée, mais ils sont bien là. On les entend grouiller au-dessus de nos têtes.

En février dernier, deux détenus ont été contaminés par la leptospirose, une grave maladie qui peut conduire à une insuffisance rénale, voire à la mort dans 5 à 20% des cas.

Se faire uriner dessus par un rat

En juin, l’un de mes collègues qui dormait dans une salle de repos s’est vu réveiller parce qu’un rat était posé sur lui. L’animal a uriné avant de déguerpir. Plusieurs surveillants se sont fait uriner dessus par des rats, d’autres ont été mordus.

Au niveau des bureaux, il n’est pas rare qu’on trouve des excréments sur le clavier. Nous avons bien essayé de procéder à dératisation, mais cela n’a pas suffi. L’animal s’adapte et les pièges sont inefficaces.

Pour faire notre ronde sur les coursives extérieures, certains d’entre nous attachent des sacs plastiques au niveau de leurs chaussures pour éviter de les mettre en contact avec les excréments des rongeurs.

À chaque fois qu’un accident se produit, nous le signalons à la direction. Mais cette dernière ne semble pas prendre en considération la mesure du problème. Elle prend ça à la légère. Parfois, je me dis que nous pourrions échanger de place pour qu’elle comprenne mieux nos conditions de travail.

Des cafards dans l’escalier, et invasion de punaises de lits

Les rats ne sont pas les seuls nuisibles que nous croisons au travail. Régulièrement, des surveillants ou détenus sont piqués par des puces de lits et se retrouvent avec d’importantes plaques rouges sur tout le corps. On lave la literie, mais cela ne suffit pas.

Et puis, il y a aussi les cafards qui remontent par les égouts. Ils ont envahi nos escaliers de service et quelques salles d’eau.

J’ai déjà alerté la direction : la situation ne peut plus durer. La prison des Baumettes avait elle aussi fait part d’une hygiène douteuse, mais des projets de travaux d’assainissement ont été lancés. Nous, j’ai l’impression qu’on peut encore attendre.

Tout est une question de budget. Il n’y a pas de secret : pour que l’hygiène s’améliore, il faut le budget suive.


Propos recueillis par Louise Auvitu

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